6 janvier 2009

Être gros, c'est mal

Ça y est, nous y revoilà. Comme à chaque année, c'est devenu incontournable : janvier s'écrit dans le registre résolutionnaire et se conjugue quelque part entre le plus-que-parfait et le futur simple. Au programme? Maigrir!

À preuve, le Journal de Montréal a flairé la bonne affaire en consacrant un dossier à la question du [sur]poids dans ses premières livraisons de l'année, information relayée sur les stations du réseau Corus Québec. Sondages, spécialistes et tribuns chantent en choeur à l'autel de la minceur... et au sacrifice de la rigueur. Information, dites-vous? Le ton est volontiers alarmiste et le débat verse sans pudeur dans la propagande.

Pendant que les centres de conditionnement physique font des affaires d'or, le obese-bashing bat son plein. Encore une fois, l'analogie avec le tabac s'impose. Comme les ex-fumeurs, les dieters sont les plus hargneux au micro. Si tendance se maintient, dixit Bernard Derome, il sera bientôt aussi infamant de s'afficher avec des bourrelets à la taille qu'avec une cigarette à la main.

Fascinants, les propos que l'on tient sur les gros. Surtout dans la bouche de ceux qui ne le sont pas. La figure du gros y relève d'une sorte d'abstraction. On jurerait que les minces qui parlent des gros n'en ont jamais connus. On comprend qu'ils en ont croisés, qu'ils en côtoient peut-être de façon impersonnelle, mais vraisemblablement, ils n'ont pas cherché à les envisager autrement que par le regard et le jugement.

Pour résumer, les gros sont des personnes dépourvues de volonté et d'orgueil. Ils sont coupables d'avoir grossi, de ne pas maigrir et/ou de ne pas vouloir maigrir.

Vraiment, je me demande où l'on a bien pu pêcher une idée pareille. Les gros heureux et fiers de l'être consituent la rarissime exception qui confirme la règle universelle. Personne n'aime ni ne veut être gros. Ceux qui le nient se/vous mentent. Parce qu'à la honte d'être gros s'ajoute celle d'avoir honte de soi.

Oui, la honte. Il n'y a pas si longtemps encore, on considérait surtout la question du poids en termes esthétique. À l'idéal de la beauté s'est ajouté celui de la santé, puis celui de la morale. Être gros, c'est non seulement laid et malsain; désormais, c'est mal.

Au nom du dogme du poids santé, l'espèce de tolérance dont bénéficiait l'embonpoint modéré des enrobés et des quelques livres en trop a été revue au prisme de l'IMC. Cet outil conçu pour rendre compte du vaste spectre des silhouettes a été édifié en critère pour départager ceux qui ont raison de ceux qui ont tort.

Être gros, c'est mal. Être gros, c'est avoir tort de l'être. Même les gros s'en sont persuadés.

1 commentaire:

  1. Effectivement. Mais sans aller dans le obese-bashing, je ne crois pas pour autant que la valorisation des "courbes" soit mieux. Non, les gros ne sont pas heureux de l'être. Mais le pouvoir leur revient de travailler sur leur bonheur, donc de maigrir. Personne peu le faire à leur place et oui, ça prend de l'effort et des sacrifices.

    Faudrait qu'on s'enlève de la tête cette maudite manie à tout vouloir tout de suite sans le moindre effort.

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