20 janvier 2009

Suite : Le Régime Idéal

Enfin, une dernière chose dont il faut à tout prix se méfier lorsque l’on se documente sur la nutrition :

Il est absolument primordial de prendre conscience du fait que l’information qui circule sur l’alimentation revêt souvent une dimension fortement idéologique. Sur son excellent blog, Matt Fitzgerald décrit ce phénomène avec beaucoup de justesse; s’il ne l’a pas inventé, il lui a trouvé une nom : foodeology (food + ideology). Cette idée rend bien compte de ce que désignerait en français l’expression « doctrine alimentaire ».

Certaines formes de végétarisme donnent un exemple relativement neutre quoique assez extrême de doctrine alimentaire. On peut adopter un régime végétarien pour toutes sortes de raisons : spontanément, pour une question de goût, parce qu’on n’est pas friand de viande; pour des considérations économiques, puisque la viande coûte cher; sur avis médical, si on nous prescrit d’éviter le cholestérol alimentaire ou les purines; ou même par paresse, parce que les produits végétaux sont généralement plus facile à conserver, à préparer, à cuisiner et… à réussir. Dans tous ces cas, le choix du végétarisme ne fait intervenir aucun dogme alimentaire; c’est simple affaire de goût ou de nécessité. Or les végétaliens qui ne consomment ni viande ni produits d’origine animale parce qu’ils considèrent que c’est mal adhèrent à une foodeology.

Dans le registre foodéologique, il y a LA bonne façon de manger d’un côté, et les mauvaises de l’autre. La logique est la même que celle qui anime souvent le discours religieux, et elle n’est pas épargnée non plus par la tentation de l’intégrisme. Le fanatisme alimentaire adopte exactement le même ton que le fanatisme religieux. Les végétaliens qui refusent de fréquenter les omnivores le font pour les mêmes raisons que celles qui ont donné lieu à d’innombrables formes de ségrégation religieuse.

À quoi reconnaît-on un discours foodéologique? Aux traits que l’on retrouve dans le discours religieux :
- L’information véhiculée est présentée comme La Vérité; ses tenants ont la certitude d’avoir raison;
- Le discours revêt une dimension morale qui s’articule autour de l’axe Bien / Mal.

La plupart des régimes ont une variante foodéologique. Les régimes faibles en glucides comptent des adeptes de la « religion low carb ». Pour eux, le mal émane des glucides et le salut réside dans les protéines, les légumes verts et les huiles de poisson.

Comme de nombreux discours idéologiques, certaines doctrines alimentaires sont TRÈS convaincantes. Le raisonnement des adeptes du low carb est séduisant, mais il comporte ses limites, ce que nient ou refusent d’admettre les fanatiques de la Doctrine. Il faut donc se méfier de leurs lumières qui aveuglent plus qu’elles n’éclairent.


Il se pourrait fort bien que votre régime soit aussi un régime foodélogique. Mais si vous l’adoptez parce que c’est celui qui vous convient, alors vous n’adhérez pas à une doctrine alimentaire. Je suis tel genre de diète parce que c’est ce qui marche pour moi; pas parce que je suis convaincue d’avoir Raison de le faire. D’où l’intérêt de multiplier les sources d’information, d’en douter, de les remettre en question, de les confronter entre elles, de mettre à jour leurs contradictions, d’en dégager les limites, les nuances. D’où l’intérêt surtout d’expérimenter, parce que s’il y avait un Régime Idéal, ça se saurait…

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